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El pase
El Pase: su presente y su porvenir

Le meilleur de deux mondes
Dominique Laurent
 

Le titre de ce congrès « le Nom du père s’en passer sans servir » invite particulièrement à s’interroger sur l’actualité et l’avenir de la passe. Dans une période marquée par la fureur de la nomination évaluée par les standards, il rappelle les outils conceptuels que Lacan nous a laissés pour penser le problème de la nomination dans le traitement de la jouissance. Le nom d’analyste y est convoqué au premier chef .

Le nom et la première fonction d’analyste
La formulation « il y a de l’analyste » quand il y a de l’analysé a pour corrélat le fait que l’analyste se réduit à sa fonction dans une pratique. C’est une autre perspective que celle qui vient nommer analyste celui qui atteint le terme d’un cursus. Il y a de l’analyste inscrit quelque chose, un quod, qui n’est pas encore défini. Il y a simplement attribution. Le jugement d’attribution porte sur « il y a de l’analysé». Le jugement d’existence porte sur « il y a de l’analyste ». L’analyste est une existence, un quelque chose en fonction.

La fonction est une façon de saisir le quod. C’est pourquoi Lacan dans la « Note italienne » ajoute que cette fonction rend « probable son ex-sistence ». L’analyste fonctionne ou « ça » fonctionne à une certaine place, à une place qui n’a pas besoin d’être plus précisée que la place d’une variable dans une fonction. L’écriture de la fonction F (x) ou de celle de la place vide renvoient toutes deux à une lettre.

Avant sa définition, la conception « fonctionnaliste » de la place de l’analyste a d’abord été située à partir du fonctionnement signifiant. Le transfert conçu à partir du fonctionnement d’un algorithme signifiant, inscrit l’analyste à la place d’un signifiant quelconque, à une place qui n’est repérable par rien du sens. L’analyste occupe la place d’un signifiant, qui de quelconque non-su de l’analysant au départ de la cure, se révèle comme singulier en son terme. Ce signifiant quelconque lorsqu’il fonctionne, réveille les signifiants du sujet tombés dans l’oubli par le refoulement. La mise en fonction du sujet supposé savoir rencontre à un moment un point d’arrêt du déchiffrage inconscient. La résolution transférentielle en est la conséquence. Cette perspective a permis à Lacan d’opposer très tôt aux critères de sélection qui diraient ce qu’est l’analyste, la fonction analyste dans les cures une par une. Il n’y a pas d’identification possible à une supposée « fonction analyste » même si elle peut impliquer une commune mise au point du « désir de l’analyste ».

La fonction n’est pas ici un universel. La fonction ne fait que rendre probable l’existence de l’analyste. L’analysé rend probable mais pas forcément nécessaire l’existence de l’analyste. L’analyse de Hans en témoigne s’il en est besoin. Un analyste n’implique pas qu’il y ait de l’analysé dans une cure. Le « rend probable son existence » introduit une dimension de suspens quant à l’existence de l’analyste analogue à celle que Lacan a dégagée pour le père.

L’opposition entre la fonction analyste et la définition de l’analyste est du même ordre que la fonction paternelle. Il n’y a que des modèles de la fonction c’est-à-dire un modèle de la réalisation. De même que Lacan a essayé de déconstruire la fonction totémique du père, il s’est attaché à la déconstruction de la fonction totémique de l’analyste. Il y a autant d’analystes que de ceux qui ont réalisé la fonction. La critique par Lacan de l’identification au moi de l’analyste à la fin de l’analyse didactique doit s’entendre à partir de cet éclairage. L’identification à la « fonction analyste » n’est rien d’autre qu’une identification au sujet supposé savoir. Le fait d’etre sorti de ce mirage à la fin de la cure n’empêche nullement d’instaurer la mise en place du sujet supposé savoir en reproduisant l’expérience avec un autre.

Le nom et la seconde fonction
Dans le développement de son enseignement Lacan a ensuite situé la place de l’analyste à partir du fonctionnement de la jouissance, contemporain de l’élaboration de l’objet a. inscrivant ainsi le symptôme freudien comme satisfaction substitutive de la pulsion. Au-delà de la mise à jour des identifications signifiantes qui soutenaient son « je suis » dans l’existence, l’analysant découvre une identité de jouissance, un « je jouis » qui organise symptomatiquement toute sa vie et dont il pâtit. La réduction du fonctionnement pulsionnel au fantasme fondamental dévoile la machinerie à plus de jouir a, noyau du symptôme. Le mythe de la pulsion, autre nom de l’ajointement du vivant au langage, renvoie au fait que tous les signifiants égrenés dans la cure ne sont que la marque d’une rencontre manquée avec la jouissance. Le fonctionnement du psychanalyste dans la cure vise le registre de la jouissance du sujet. Cette visée ne peut se soutenir qu’à partir du niveau de fonctionnement que le psychanalyste a de son propre rapport à la jouissance qui implique « son savoir faire ». Cette autre logique fonctionnaliste a conduit Lacan à infléchir sa conception de la fin de l’analyse. JA Miller a montré comment la théorie de l’éveil, de la traversée du fantasme fondamental de l’année 64 a fait place à une perspective pragmatique exprimée en termes de « savoir y faire » avec le symptôme.

Comment le un par un de l’analyste procède-il? Un analyste réalise le modèle de la fonction en visant l’objet a de ses analysants un par un dans une clinique sous transfert, soit de l’amour du sujet supposé savoir. Si nous mettons en regard cette perspective et les considérations de Lacan sur le père dans RSI « un père n’a droit au respect sinon à l’amour qu’à la condition de ne tenir son existence que du fait d’avoir affronté la question de la jouissance d’une femme, soit de la faire objet a cause de son désir », nous pouvons énoncer que l’analyste doit identifier un rapport à l’objet a non pas d’une femme mais de ses analysants un par un.

La nomination et le fonctionnement institutionnel
La passe doit s’approcher pour chacun du point de solitude que Lacan soulignait dans son acte de fondation, solitude dans le rapport à la cause analytique, soit le rapport à l’objet a. C’est exactement ce que reprendra la proposition de 67. Cette perspective déplace la problématique des critères de l’être analyste au profit d’un postulat : il y a de l’analyste si et seulement si il y a de l’analysé. La dimension de l’analysé est la voie la plus pragmatique, la plus réaliste pour essayer de qualifier l’analyste. L’analysé est ce à partir de quoi l’analyste s’autorise pour fonctionner comme tel. Comme nous le savons « la proposition de la passe » a rompu de façon radicale avec les modalités usuelles d’accréditation d’une société de psychanalyse.

Où en sommes nous ? Deux constats. D’abord celui d’une raréfaction toujours plus marquée des demandes de passe allant de pair avec un éloignement toujours plus grand de l’horizon de la passe pour ceux qui postulent et entrent à l’Ecole. Ensuite celui d’une pression inégalée jusque-là des pouvoirs publics sur le champ psy. Évaluation, exigence de formation universitaire protocolisée, reconnaissances professionnelles encadrées , surveillées par le grand panopticon bureaucratique, toutes ces exigences visent à nommer à une place et à s’assurer de son utilité publique. Il ne faut pas que dans la psychanalyse « le nommer à » vienne occulter la réflexion sur ce qu’est le nom de psychanalyste et permette le retour actualisé par les exigences du maître de l’accréditation bureaucratique de l’analyste. Avec la procédure de la passe Lacan a combattu la problématique des critères de l’être analyste et le fonctionnement institutionnel de société qui masque la fonction analyste en tant que série de positions singulières. La passe doit continuer à vérifier sur quelle jouissance obscure, le nom de psychanalyste est posé. L’analyste a rencontré dans son analyse le « délire » qui fait sa vie, soit son fantasme et il sait de quelle jouissance il se paie. L’analyste « délire » avec chacun de ses analysants mais pas avec le « «tous » de l’évaluation. Il permet ainsi à chacun de produire ses signifiants maîtres, son monde, son inconscient et d’obtenir de la bonne manière l’essentiel soit, l’extraction de l’objet a dans les termes de 64, où un « savoir y faire avec le symptôme » dans les termes du dernier enseignement. Le nom de psychanalyste vient désigner le nom d’un symptôme dans la civilisation, de quelqu’un que l’on peut croire. La psychanalyse ne promeut pas d’identifications stables, collectives pour mettre tout le monde au travail sous une discipline connue. Plus qu’un nouvel humanisme disciplinaire, Lacan a pris comme référence le souci féminin de l’Autre jouissance qui n’exclut ni le souci des semblants ni le lien de l’amour. Notre perspective est celle de la particularité subjective qui soutient le rapport le plus étroit au savoir dans l’acte analytique même mais aussi au sein d’une Ecole. Celle-ci doit se soutenir d’une exigence épistémique vérifiée aussi bien dans la qualification de ses analystes à partir de la procédure de la passe que dans les travaux qu’elle produit. Dans cette perspective, L’Ecole a mis en place, à côté de la nomination de ses AE par la procédure de la passe, deux modalités d’admission de ses nouveaux membres. L’une s’est appuyée sur les titres et travaux, l’autre sur la passe à l’entrée - perspective introduite par JA Miller. La première continue de fonctionner, la seconde a été une expérience limitée dans le temps. Comment rendre compte à l’heure de l’expertise et de la transparence, auprès des pouvoirs publics d’une part et des sociétés de psychanalyse d’autre part de la spécificité de la psychanalyse lacanienne dans ses procédures d’accréditation sachant que la passe suscite peu de « vocations » et que la procédure d’admission ne prend en compte le travail analytique et de contrôle que de façon supposée. Certes le nom de l’analyste, des analystes, des contrôleurs sont connus, le nombre d’années de formation aussi, mais la commission d’admission ignore l’analysé qui en résulte. Ni le candidat, ni l’analyste ni le contrôleur n’en témoignent. Comment notre Ecole peut-elle éviter le risque de voir masquer la fonction analyste comme position singulière, de voir le nom d’analyste recouvert par le « être nommé » sur une liste ? Ne pourrions-nous pas reconsidérer la procédure d’admission à partir de l’expérience passée en conjoignant le meilleur de la passe à l’entrée et de l’admission sur titres et travaux, le savoir inédit et les travaux effectifs . Ce nouveau fonctionnement institutionnel rendrait plus sensible notre réponse aux désirs actuels de standardisation de la formation dite analytique.

Ce serait confirmer notre pari du sujet .